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dont il avait besoin pour une année. Il y recevait la compagne qu’il avait choisie, et qui lui apportait en dot des troupeaux. Cette nouvelle famille croissait et prospérait à l’exemple des autres. Qui ne serait touché de l’innocence des mœurs et de la tranquillité de cette heureuse peuplade ? Qui ne ferait des vœux pour la durée de son bonheur ?[1] »

Or, voici qu’à ce tableau champêtre, que trace ici Raynal, va succéder brusquement un spectacle de dévastation et de ruine. Des proclamations, dressées avec une perfide habileté, avaient invité les Acadiens à s’assembler tous à un jour fixé (le 5 septembre) en différents endroits. Ce jour-là, un jour de dimanche, les Acadiens accourent, en effet, en foule, dans leurs églises. Aussitôt, des soldats les y cernent, et on leur déclare que, par ordre royal, leurs biens sont confisqués et qu’ils vont être transportés, loin de leur pays, dans les autres colonies anglaises. L’exécution fut immédiate, impitoyable ; on les retint prisonniers sur place et, dès le lendemain, on les conduisait par longues files aux vaisseaux qui, la veille, étaient venus atterrir sur la côte et qui devaient les emmener. Quelques Acadiens s’étant échappés dans les bois, on dévasta le pays pour les empêcher de subsister. Dans le canton des Mines, on brûla 276 granges, 155 autres petits bâtiments, onze moulins et une église.

Le beau poème de Longfellow, Évangéline, a tiré son thème de cette impitoyable exécution. Il décrit ce

  1. Tome VIII,p. 78.