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fièvre d’agiotage qui s’empara à ce moment de tout Paris. « Le Mississipi était devenu un centre où toutes les espérances, toutes les combinaisons se réunissaient. Des hommes riches, puissants, et dont la plupart passaient pour éclairés, ne se contentèrent pas de participer au gain général du monopole ; ils voulurent avoir des propriétés particulières dans une région qui passait pour le meilleur pays du monde. Pour l’exploitation de ces domaines, il fallait des bras. La France, la Suisse et l’Allemagne fournirent avec abondance des cultivateurs qui, après avoir travaillé trois ans gratuitement pour celui qui avait fait les frais de leur transportation, devaient y devenir citoyens, posséder eux-mêmes des terres et les défricher[1] ».

Un premier convoi d’émigrants partit de La Rochelle au printemps de 1718 ; il comprenait huit cents colons, parmi lesquels des gentilshommes et d’anciens officiers. Une partie de cette troupe se dirigea vers la Nouvelle-Orléans que venait de fonder Lemoine de Bienville, neveu d’Iberville et son successeur en qualité de gouverneur. D’autres remontèrent plus haut le long du Mississipi. Law qui s’était fait concéder une terre de quatre lieues carrées, avec titre de duché, dans l’Arkansas, y envoya une colonie de quinze cents hommes, Provençaux ou Allemands ; il se proposait de faire suivre cette première émigration par 6,000 Allemands du Palatinat, lorsqu’en 1720 croula sa puissance éphémère et avec elle l’échafaudage de ses ambitieux projets. Le contrecoup de cette grande débâcle financière, qui avait encore été sans seconde chez les modernes, ébranla pro-

  1. Raynal, t. VII, p. 221.