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Le P. Charlevoix, qui était au Canada, dans le courant de l’année 1720, n’y comptait guère, à cette époque, que trente mille âmes, dont sept mille à Québec, et signalait la rapidité inconcevable avec laquelle disparaissait la race indigène. Il emprunte ensuite à un mémoire rédigé par MM. Naudot père et fils, intendants de la colonie, l’explication de l’état de souffrance commerciale dans laquelle elle était plongée. D’après ces deux fonctionnaires, les Canadiens s’occupaient trop exclusivement de la recherche des pelleteries : « Les Anglois, disaient-ils, ont tenu une conduite bien différente. Sans s’amuser à voyager loin de leurs établissements, ils ont cultivé leurs terres, ils ont établi des manufactures, installé des verreries, ouvert des mines de fer, construit des navires, et ils n’ont jamais regardé les pelleteries que comme un accessoire sur lequel ils comptoient peu ».

Notons cependant une circonstance qui contribua, dans une certaine mesure, à développer l’industrie manufacturière de la colonie. Vers la fin de l’année 1704, un chargement, qui se composait en grande partie de toiles de lin et de chanvre, article que les Canadiens tiraient tout entier de France et payaient fort cher, tomba entre les mains d’une flotte anglaise et fut perdu à tout jamais. La perte de ce chargement donna l’idée aux Canadiens de semer du chanvre, du lin et de fabriquer de grosses étoffes de laines. Quoique restreinte, par des édits de la métropole, aux objets de première nécessité, cette branche de fabrication fit bientôt de rapides progrès qui montrèrent tout le bon effet qu’on aurait pu attendre de la liberté de l’industrie dans une contrée si admirablement douée pour la culture des