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ici parait stérile ; d’ignorer la jeune littérature qui a refleuri sur les ruines de cette Sion française exilée aux rives d’une Babylone étrangère ; d’ignorer les ressources que nous offrirait, au point de vue même de nos intérêts matériels, un commerce actif de relations et d’échanges repris avec ce peuple sorti des flancs du nôtre. On s’étonne que, parcourant les terres et les mers pour y créer des débouchés à notre commerce et à notre industrie, et trouvant moyen d’envoyer des essaims de colons à La Plata ou à l’Uruguay, où ils sont voués à l’absorption dans la nationalité espagnole, nous négligions ce débouché tout trouvé, cette colonie toute faite que nous avons en face de nos côtes, à la latitude du Havre et de Saint-Nazaire, dans un pays qui nous appelle, qui nous aime, qui est nôtre par le sang, par la langue et par le cœur de ses habitants, et où nos émigrants renforceraient heureusement, pour la lutte contre l’hégémonie anglo-saxonne, le noyau de la nationalité franco-canadienne.

C’est pour enlever à ces griefs ce qu’ils peuvent avoir de fondé ; c’est pour faire connaître à notre génération oublieuse et trop souvent frivole quelques-uns de ces noms de la jeune France d’Amérique qui ont le droit de figurer au Livre d’Or de nos plus pures gloires nationales : c’est pour rendre hommage à la vaillance des uns, à la fermeté des autres, à la fidélité de tous ; c’est pour contribuer, dans la mesure de mes forces, en dissipant quelques ignorances et quelques préjugés, au rapprochement plus intime des deux peuples frères, que j’ai entrepris cet ouvrage. J’aurais voulu qu’un plus habile et qu’un plus érudit que moi recueillit pieusement tous les souvenirs de ce passé, souvent glorieux, les tressât avec art, en fit une couronne de prix et sur cette couronne écrivit : La France d’Europe, la vieille France, à son enfant toujours fidèle, même quand il était assis, hélas ! au foyer de l’étranger ; à cet enfant trop longtemps sevré de son amour et de ses étreintes ! A défaut d’autres, je me suis offert