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Si la colonie progressait, c’était uniquement par elle-même et sur son propre fond. Il est vrai que les Acadiens s’y employaient bien, car leur population doublait, par son essor naturel, tous les vingt-cinq ans ; la rapidité de cette progression s’accrut même notablement par la suite. « Les familles acadiennes, écrit un contemporain, sont en effet plantureuses en progéniture ; deux couples voisins ont fait à l’envi l’un de l’autre chacun 18 enfants tous vivants ; c’est être fort habile en ce métier ; cependant un autre couple a été jusqu’à 22 et en promet encore davantage. Mais c’est la richesse du pays ; quand ils sont en état de travailler, ils épargnent à leur père des journées d’hommes qui coûtent là 25 et 30 sols, et cela va à une dépense qu’ils ne sauroient faire, car il en coûte beaucoup pour accommoder les terres que l’on veut cultiver[1] ».

Ces braves gens n’avaient non plus à compter que sur eux-mêmes pour les ressources de la vie et du vêtement. Les communications étaient rares et irrégulières avec la métropole et il arrivait que des années entières se passaient sans que des navires venus de France se montrassent dans ces parages. « Nous serions bien heureux, Monseigneur, écrivait en 1707 le commissaire de marine Desgouttins, si dans le temps présent nos ennemis (les Anglais) vouloient encore apporter les nécessités du pays et prendre le castor dont il regorge ; sans ce qu’ils avoient apporté l’autre fois, on ne mangeroit point de soupe ; les terres auroient été inutiles, on auroit arraché l’herbe pour faire du foin, et on auroit mordu son pain ; il n’y avoit plus ni marmites,

  1. Dieréville. Voyage en Acadie. Amsterdam, 1708.