Page:Réveillaud - Histoire du Canada et des canadiens français, de la découverte jusqu'à nos jours, 1884.djvu/15

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

C’est pour avoir trop oublié les devoirs et les hautes responsabilités qu’entraîne toute domination d’un peuple sur un autre que la France a mérité de perdre sa magnifique colonie de Saint-Domingue. Haïti, devenue République indépendante entre les mains des noirs et des mulâtres qui s’y disputent trop souvent par le fer et le feu un pouvoir toujours éphémère, a du moins conservé de ses anciens maîtres l’instrument de la pensée, la langue, et si cette langue descend souvent, dans la bouche des noirs de l’intérieur, au rang d’un jargon enfantin, elle est assez claire encore pour leur permettre de communiquer avec la France, au besoin, et avec ces nombreuses Antilles où résonne, dans la bouche des blancs et des noirs, le français créole : Saint-Barthélemy (à nous rétrocédée par la Suède en 1878), Saint-Martin, la Guadeloupe, la Désirade, Marie-Galante, les Saintes, la Martinique et la Dominique même qui, quoique placée sous pavillon anglais, continue de parler notre langue.

Avec la Guyane, riche en métaux précieux, mais torride et insalubre, et où la colonisation pénitentiaire n’a pas mieux réussi que la colonisation libre (celle-ci tentée sur une large échelle en 1763-64[1]) : avec les îlots de Miquelon et de Saint-Pierre, proches de Terre-Neuve, ces quelques petites Antilles sont tout le lot de la France en Amérique, les seuls débris qui lui restent de ce vaste empire colonial (vaste au moins par l’étendue du territoire qu’elle a un moment possédé dans le Nouveau-Monde et qu’il n’eût tenu qu’à elle de maintenir, de telle façon que l’Amérique se fût trouvée partagée par portions presque égales entre les trois races et les trois langues : la française prévalant au nord et à l’ouest


    nes, combat heureusement les dangers que notre civilisation porte avec elle et qui conduiraient bien vite à la disparition de ces peuples enfants.

  1. Voir au chap. 1er de la seconde partie, le récit de cette malheureuse tentative.