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La vraie force de la Nouvelle-France était dans les bras de ses enfants. Dans les conditions particulières où ils s’étaient trouvés transplantés, obligés de lutter à la fois contre la nature vierge et froide du Nord et contre les hommes, toujours exposés aux surprises, aux agressions des sauvages, ces paysans de la Normandie, du Perche, de la Saintonge, devenus trappeurs, bûcherons, coureurs des bois, et grands chasseurs en toute saison, maniaient aussi bien le fusil que la charrue. Le vieux sang des Gaulois et des Scandinaves normands s’était réveillé en eux : tous ces colons étaient soldats-nés, et se battaient aussi volontiers contre l’Anglais que contre le loup ou le daim de leurs forêts. S’ils eussent été appuyés des Iroquois, comme ils l’étaient de la plupart des autres tribus indiennes, ils eussent été invincibles. Tels quels, et malgré l’infériorité de leur nombre, ils étaient pour les colonies anglaises des voisins incommodes et des ennemis redoutables. On le vit bien au succès des campagnes suivantes.

M. de Frontenac employa l’hiver de 1689-1690 à des négociations avec les Iroquois qui n’aboutirent pas et à des préparatifs de guerre contre les établissements de la Nouvelle-Angleterre. Il divisa sa petite armée en trois corps : l’un, formé à Montréal et placé sous les ordres de MM. d’Ailleboust et Lemoine de Sainte-Hélène, comptait cent-quatorze Français et quatre-vingt-treize Indiens ; un autre, levé à Québec et commandé par M. de Portneuf, se composait de cinquante Français et d’une soixantaine de sauvages ; le troisième, formé aux Trois-Rivières sous Hertel ne comptait en tout qu’une cinquantaine d’hommes, dont moitié de Français.