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race de l’Amérique, que le mépris sauvage des Anglais a exterminée. Ils ont fait une nouvelle Europe, c’est vrai, mais supprimé l’Amérique elle-même, anéanti le genius loci. Ce qu’il y aurait eu de fécond dans son mariage volontaire avec la civilisation a péri pour toujours. Crime contre Dieu, contre nature[1] !… »

L’un des types les plus remarquables de ces « capitaines de sauvages », suivant le nom qu’on donna à ces hôtes aventureux de la forêt, fut le capitaine de Saint-Castin, nommé plus haut. Vincent, baron de Saint-Castin, était des environs d’Oloron, dans le pays basque. Il avait servi, avec M. de Grandfontaine, dans le régiment de Carignan, et était venu du Canada avec lui. « Leste et vigoureux comme tous les Basques, il était doué d’une de ces natures vives et fougueuses qui, sans agitation et sans imprévu, ne connaissent pas de plaisir ; il était expert dans tous les exercices du corps, âpre à la fatigue, plein de sang-froid dans le danger et d’un grand esprit de ressources dans le besoin[2]. » Dès sa première entrevue avec les Abénakis, la tribu indienne qui vivait sur les rives du Kennébec, son air déterminé, sa mine franche et sa bonne tournure les séduisirent, et dès ce jour, quelques-uns d’entre eux se donnèrent à lui corps et âme et s’attachèrent à ses pas comme le chien à ceux de son maître. Lui, de son côté, se plut, dès l’abord, au milieu de ces sauvages admirateurs et, son sang s’allumant à la pensée des expéditions extraordinaires qu’il pouvait combiner avec ces alliés sauvages et résolus, il songea à se fixer au milieu de

  1. Michelet, Hist. de France, t. XVII, p. 180.
  2. Rameau, p. 118.