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sée d’hommes riches, éclairés, paisibles, laborieux, comme l’étaient les Huguenots, pour peupler les bords du Saint-Laurent ou les fertiles plaines de l’Ouest ? Du moins, ils n’auraient pas porté à l’étranger le secret des manufactures françaises, et enseigné aux autres nations à produire des marchandises qu’elles étaient accoutumées d’aller chercher dans les ports de France. Une funeste politique sacrifia tous ces avantages aux vues exclusives d’un gouvernement armé, par l’alliance des pouvoirs temporel et spirituel, d’une autorité qui ne laissait respirer ni la conscience ni l’intelligence… Louis XIV, qui avait des myriades de dragons pour massacrer les protestants, qui perdait par sa faute un demi-million de ses sujets, n’eut que deux cents soldats à envoyer à Québec pour protéger une contrée quatre fois plus vaste que la France, et qui embrassait la baie d’Hudson, l’Acadie, le Canada, une grande partie du Maine, du Vermont et de la Nouvelle-York avec toute la vallée du Mississipi[1] ! »

Ce n’était pas d’ailleurs que Louis XIV dédaignât la souveraineté du continent américain. À la différence de son triste arrière-petit-lils, Louis XV, qui perdit la Nouvelle-France et les Indes sans en manifester presque un regret, « Louis le Grand » aimait assez sa gloire pour se complaire à la pensée qu’une vaste étendue du Nouveau-Monde obéissait à son empire. Mais il n’avait pas assez de portée d’esprit pour s’enquérir des meilleurs moyens d’affermir cet empire sur la tête de ses descendants. Il n’aimait pas les progrès lents, et comprenait mal les difficultés que rencontre l’installa-

  1. Garneau, Hist. du Canada, t. I, pp. 251 et suiv.