Page:Réveillaud - Histoire du Canada et des canadiens français, de la découverte jusqu'à nos jours, 1884.djvu/125

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

moyen de les rendre chrétiens étoit de les faire devenir hommes. »

Les procédés de Frontenac n’étaient pas moins vifs que ses paroles. Le gouverneur de Montréal, Perrot, s’étant rendu suspect de concussions, (« n’ayant que 1,000 écus d’appointements, disait de lui La Hontan, il avoit trouvé le moyen d’en gagner 50,000 par son commerce avec les sauvages »), le gouverneur général le fit arrêter et enfermer au château Saint-Louis. Les amis que Perrot avait parmi le clergé, et notamment l’abbé de Salignac-Fénelon, curé de Montréal, prirent parti pour le prisonnier et dénoncèrent, dans des prônes véhéments, la tyrannie du gouverneur général. Sommés de comparaître devant le conseil supérieur pour répondre de leur conduite, ces ecclésiastiques déclinèrent la juridiction civile, prétendant qu’ils ne pouvaient être assignés et jugés que par une cour ecclésiastique. L’abbé de Salignac surtout se conduisit avec une rare audace ; sous prétexte que les ecclésiastiques avaient, en France, le droit de parler assis et couverts devant le conseil souverain, il affécta de se couvrir d’un air provoquant, en passant devant le comte de Frontenac qui présidait alors le conseil supérieur. Frontenac fit mettre l’abbé aux arrêts, et comme il persistait à récuser l’autorité du conseil de la colonie, il le fit conduire, sous bonne escorte, à Paris, en compagnie de Perrot (1674). Le roi fit enfermer Perrot à la Bastille ; mais l’abbé, qui avait de hautes protections, en fut quitte pour une réprimande. Frontenac fut averti d’être plus prudent et plus conciliant dans ses rapports avec le clergé. « Sa Majesté, lui écrivit Colbert, m’a ordonné de vous expliquer en particulier