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« Il y eut plusieurs discussions, écrit la Mère de l’Incarnation[1], pour savoir à qui les communautés obéiraient…, car M. l’abbé de Queylus avait des pouvoirs de l’archevêque de Rouen, reconnu jusqu’alors pour le supérieur du pays, et bien des personnes disaient qu’il était au-dessus de Monseigneur de Laval, qui n’était que vicaire apostolique. » L’évêque de Pétrée n’eut souci de ces résistances ; esprit autoritaire et absolu, il entendait tout faire plier sous sa volonté. Une des questions qu’on trouve partout à la naissance des colonies, celle du trafic des boissons enivrantes, s’était posée dans la Nouvelle-France, comme dans la Nouvelle-Angleterre, dès les premières relations des colons avec les sauvages. Les Indiens témoignaient une véritable passion pour « l’eau de feu », et cette ivresse brutale, outre qu’elle atrophiait leur vie, les portait souvent aux pires excès. Les gouverneurs français avaient plusieurs fois, par des considérations d’humanité, interdit aux Français de fournir des boissons enivrantes aux Indiens. Mais les traitants réclamaient, disant que cette interdiction les privait de leur plus facile moyen d’échange et, en fait, les prohibitions devenaient souvent lettre morte. L’évêque de Pétrée crut devoir intervenir pour renforcer les règlements, et il fulmina une sentence d’excommunication contre tous ceux qui refuseraient de se soumettre à ses décrets contre la traite de l’eau-de-vie. Le gouverneur d’alors, M. d’Avaugour, consentit d’abord à punir les délinquants, et fit même fusiller trois hommes pour cette offense ; mais il souffrait impatiemment les grands airs, le zèle intempestif et les empiètements du fougueux

  1. Lettres historiques, citées par Ferland.