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profonde, dont elle eſt-ſortie toutacoup, pour m’adreſſer la parole. Elle m’a-dit, à ce que je crais, des choses fort-obligeantes mais que j’entendais à-peine, tant le-ſon-de-ſa-voix portait de trouble ét d’émotion dans mon âme : tout en-me-parlant, elle cherchait quelque-chose ; ét elle m’a-presenté une fort-belle montre-d’or, en-me-demandant, ſi je la ſaurais monter ? Ét ſur ma reponſe, elle m’a-montré ; enſuite elle m’a-prié de la garder, en-ajoutant : — C’eſt de la part de Quelqu’un qui vous eſtime-. J’ai-repondu : — Madame, ce me-ſera la chose la plus-precieuse que je puiſſe poſſeder, auſſi-longtemps que je pourrai me-rappeler que c’eſt de vous que je l’ai-reçue-. Enſuite, je me-ſuis-retiré. Je ſoupçonnerais preſque m.lle Manon de m’avoir-fait ce cadeau, ſi je ne craignais de trop-donner à mon amour-propre.

Ehbién, qu’en-dis-tu, mon Pierre ? Enverité, je crois que m.me Parangon ét la ſeule Femme toutafait belle ét meritante que j’aye-encore vue ? Admire cette douceur, cette tranquile moderation ! Elle fait bon-accueil à tout le monde ; ét elle careſſe Tiénnette : elle fait tout, ét elle l’appelle, ma pauvre Tiénnette ! Elle ſ’accuse, ét dit que c’eſt ſa faute à elle-même ? Ét l’Autre n’expire pas de honte à ſes piéds | elle ose la regarder ! Oh ! je m’aneantirais, moi, je m’enfoncerais cent-piéds ſous terre. Femme aimable ! vous meritez une courone, un Cœur… Vous meritez un Homme qui ſente ce que vous valez !