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je n’ai-jamais-vu de ſi-jolie fête. Represente-toi une Ville entière, Grands ét Petits ſe-divertiſſant à la campagne. Comme je te l’ai-dit, Vaux eſt à une-lieue de la Ville, ſur le bord de la rivière, qui coule au nord, aubout d’une belle prairie ; on n’y-peut-deſcendre qu’à-pied, à-cause d’une colline, dont la pente eſt fort-roide : au midi, ſerpente un ruiſſeau, qui ſort des côteaus voisins : ſes bords ſont-garnis de ſaules ét de peupliers, qui forment le plus-agreable ombrage qu’on puiſſe voir. C’eſt-là qu’on trouvait, d’un côté, des danſes règlées, ou champêtres ; de l’autre, des tables où régnait la joie, ét où l’on jouait à toutes ſortes de jeux. Ce ſpectacle, nouveau pour moi, m’a-comme enivré : je ſuis-reſté quelque-temps immobile, comme ſi mon âme n’eût-plus-été que dans mes ïeus. Pour me tirer de mon extase, m.r Loiseau m’a-fait-remarquer m.lle Manon qui danſait. Je me-ſuis-caché dans la Foule, pour la voir ſans être-vu. Ô Pierre ! il ne faudrait pas qu’une Trompeuse, une… (ſupposé que ce que j’ai-vu ſait-vrai, ét que ce fût-elle qui était dans la chambre) il ne faudrait pas qu’une Fille de ce calibre-là pût avoir autant de grâces, ét qu’elle pût tout ſeduire !… Et voila comme il eſt tant d’Hommes à quî la tête tourne !… Je crais que quand elle a-eu-fini, J’aurais-êté la joindre, comme elle me l’avait-dit, ſi je n’avais-entendu derrière moi le ſon du hautbois : je me-ſuis-retourné, ét j’ai vu un groupe de jeunes Vignerones de la