Page:Rétif de la Bretone - Le Paysan et la paysane pervertis, vol. 1, 1784.djvu/61

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

j’ai de ſon caractère haut, je ne me ſens que trop de panchant à oublier tout le mal, pour n’en-voir que le bon : car je la trouve chaque-jour plus-jolie. Chés nous, les Filles n’ont pour elles que la beauté de leur visage ét de leur tâille ; Celles qui ſont laides, le paraiſſent toutafait ; les Gentilles ne le ſont qu’à-demi : mais à la Ville, les charmes ſe multiplient : ſans te parler d’une blancheur appetiſſante, qui ne ſe-trouve preſque jamais à la campagne, l’on profite ici de la beauté de la chevelure ét de tout le reſte : je n’ai-jamais-entendu louer la main dans notre Village ; ici une belle main a ſon prix ; un piéd mignon, caché dans un ſabot ou dans une chauſſure groſſière, n’eſt-pas-remarqué chés nous ; ici l’on n’oublie rién pour faire-briller cet avantage, ét celui d’une jolie jambe. Je n’ose quasi te dire qu’on laiſſe deviner une gorge éblouiſſante ; qu’on ſe-ſerre à ſ’étoufter, pour ſe-donner une tâille plus-fine ; qu’on fait-usage de petites mignardises, de petites agaceries, de petites feintes, de petits regards endeſſous, capables de demonter l’Homme le plus-raſſis, Toutes les Femmes, chés nous, ſe-parent-de-mêmes ; à la Ville, Chagu’une ſait-choisir la façon de ſe-mettre qui lui ſiéd davantage ; une Laide même parviént à ſi bién ſ’atiffer ét faire ſortir tout ce qu’elle a de paſſable, que dans les commencemens de ma demeure ici, je concluais en-moi-même,