Page:Rétif de la Bretone - Le Paysan et la paysane pervertis, vol. 1, 1784.djvu/54

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

non : elle ſe-plait à me tourner en-ridicule, à m’humilier en-tout. Je lui-pardonne pourtant ; Tiénnette m’en-a-donné l’exemple, Un-jour que cette Fille avait-êté-bién-grondée par elle, j’entendis qu’elle disait à m.lle Manon : — Vous êtes ma Maitreſſle, ét plus-éclairée que moi, ma’m’selle ; je crois que tout ce que vous me dites eſt pour mon bién ; je vous en-ai beaucoup d’obligation, ét je vous en-aime toujours davantage-. Je fus-ſurpris de ces ſentimens, ainſi-exprimés, dans une Fille de Village qui n’a pas dix-huit-ans, ét qui parlait à une Jeuneſſe comme elle ; je ne ſaurais m’empêcher de regretter qu’une Perſone qui paraît ſi bién-née, ét ſortie de quelque-chose, ait-pu ſe-resoudre à ſe-degrader par la ſervitude. Mais il faut profiter des exemples-de-vertu, de quelque-part qu’ils nous viénnent. Cette reponse a, je crois, fait-impreſſion ſur m.lle Manon ; Tiénnette en-eſt mieux-traitée, ét moi, plus-mal. Cette fièrté naturelle que nous doit inſpirer la qualité d’Hommes, je ne puis m’empécher de la laiſſer-voir ; ét cela revolte m.lle Manon : ce qui me ſurprend unpeu-moins, depuis que je m’aperçois que les Hommes des Villes, ſans eſtimer ce qu’ils nomment le beau-Sexe, autant qu’on le fait chés nous, lui marquent cependant beaucoup plûs de deference. Mais leurs veritables diſpositions percent, lorſqu’ils ſe-trouvent avec des Femmes ſur leſquelles ils ont la