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teuse ; car c’était la ſoif qui l’avait-rendue hardie, & je vis bién que ſans la ſoif, elle n’aurait-jamais-osé me parler. Et elle ſ’e-nala encore plus-jolie par ſa rougeur, en-medisant : — Excusez, Edmond ! mais c’eſt que j’avais bién-ſoif ! Et quand elle fut en-alée, je continuai mon ouvrage, en-penſant qu’un-jour j’aurais une Maitreſſe à-peu-près comme elle, Laurote par-exemple ; ſi-bién que mon eſprit ſ’amusait de cette idée, avec tant de plaisir, que je fus-fâché, quand Je vis arriver la charrette : car je bâtiſſais de jolis chateaus-en-eſpagne ſur ce que je dirais ét ſur ce que je ferais à ma Femme biénaimée, quand j’en-aurais Une unjour, ét comme je lui ſerais-tendre ét bon. Hélas ! ce n’eſt que chés nous que ça était-poſſible ! ici, mon Pierre, les Femmes font les maitreſſes, ét il ne ſaurait y-avoir de plaisir à les aimer, comme je le comptais… ét principalement Une que je ſais bién… Cette journée-là que je te disais, ſ’eſt-donc-representée à-ce-matin à mon eſprit, ſi-vivement, que je croyais y-être ; ét j’ai-pleuré comme un Enfant.

Mais il y-a encore bién d’autres choses, dont le ſouvenir ſe-represente à mon eſprit, mon chér Pierre ; comme celui de mon ignorance première ; quand j’étais bon ét naïf, ignorant toute eſpèce de mal. Ah ! j’ai-mangé du fruit de l’arbre-de-la-ſcience, ét ſ’il eſt agreable à-la-vue, il eſt bién-âpre quand on l’avale ! Je t’ai-fait-entendre que je regrettais mon ignorance, ét voici com-