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bién, mon Frère, que durant l’abſence de m.me Parangon qui eſt à Paris, Une de ſes Parentes tiént ſa place, ét gouverne la maison : c’eſt une grande Fille, bién-faite, bién-jolie ; mais ſi-haute, ſi-vaine, fi-impertinente, ſi-prevenue-en-ſa-faveur, qu’à chaque coupd’œil qu’elle laiſſe tomber ſur vous, elle ſemble exiger une adoration. M.lle Manon Paleſtine (c’eſt ainſi qu’elle ſe nomme) dès les premiérs jours, ſ’eſt-avisée, parce-que j’avais l’air bonaſſe (comme je te l’ai-deja-marqué, & dit de bouche), de m’employer à des choses qui ne regardent point-du-tout la profeſſion ; je m’y-ſuis-prêté, ét je lui aurais-peutêtre-rendu des ſervices plus-bas encore ; car je ne ſais ce que c’eſt que de refuser Quelqu’un, ét ſurtout une Jolie-Fille ; le plaisir paſſerait la peine, ſi pour être-obéie, elle ne fesait-valoir que les droits de ſa beauté. Et comne on ne l’accoutume que trop vite à la douceur de commander, je lui ſuis-devenu-neceſſaire. Voila ſes raisons pour ſ’opposer à mon départ. Le Maître a-repondu, que mon brevet-d’apprentiſſage n’étant-pas-encore-paſſé, j’étais-libre ; ét que d’ailleurs, il était-bon que j’alaſſe encore chés mes Parens, pour leur dire, ſi je goûtais mon nouvel état. Depuis que j’ai-gâgné ma cause, elle ne me-dit rièn que de desobligeant ;  ; elle eſt la premiere Fille qui me fait-apercevoir, que ce n’eſt-pas-aſſés d’être-jolie pour être-aima-