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pas la tête ; tes travaux ne demandent que des bras ét du courage ! Et moi, obligé de ramaſſer toute mon attention pour ſaisir les principes d’un art difficile, j’ai-perdu mon contentement ét ma liberté. Je ſuis-devenu comme un Eſclave : Avili, rebuté, mal-mené dans une maison étrangère, on fait moins de cas de moi, que des Animaus inutils qu’on y-nourrit pour ſ’en-amuser. Pierrot ! ô mon Frère ! quel état ! ét qui m’y-reduit donc ! Tu t’en-ſouviéns ; quand nous alions à l’école, ſous maître Jacques, j’eus le malheur d’apprendre-à-lire, à-écrire ét à-jeter plus vîte que toi : J’avais toujours la plume à la main, je copiais les himnes ét les antiénnes qu’on chante à l’Église ; ét là-deſſus, nos honorables Père ét Mére (à-bonne-intention pourtant) me crurent-fait pour devenir un Docteur ; ils me mirent chés m.r le Curé, pour apprendre le latin ; ét quand ils virent que je lisais tout couramment un Livre latin en-français, ils ne ſe-ſentirent pas de joie, ét me deſtinèrent à être Habitant des Villes, pour y-faire-fortune, ét devenir un-jour l’appui de nos Sœurs ét de nos jeunes Frères : étpuis, pour achever, cet Huiſſiér-de-malheur me vit, ét conſſeilla de me mettre à Au★★, chés le Gendre de m.r C★★ : êt j’y-ſuis. Oh ! la maudite facilité que j’eus donc-là ! Eh ! que m’importe à moi de parvenir, comme on dit, ſ’il faut me degrader auparavant, ét tacher par des occu-