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ſouhaitez qu’il vous aime ſeule. — (M.me P. levant des ïeus au ciel) L’ingenuité viént de le dire… (à ma Sœur). Et c’eſt auſſi tout ce que je crains, mon Enfant !… Sans ton amitié, que je ſerais malheureuse ! — Vous avez mon cœur tout-entier. — Chère Urſule ! — Adorable Famme ! les expreſſions me manquent ; mals ſouffrez que mes careiſſes vous prouvent mes ſentimens-…

Ici la plume me tombe des mains ! Ah-Dieu ! qu’Urſule était-heureuse !… Tiénnette eſt-entrée : la Deeſſe lui a-fait un ſigne, qui les a-reunies toutes trois… Represente-toi ce Grouppe charmant, ét dis-moi ſi ſ’Amour ne l’aurait-pas-preferé à celui des Grâces ?… — Ah ! mes Jeunes-amies, ſ’eft-écriée m.me Parangon, ces plaisirs-là ne laiſſent point de remords ! on ne craint ni l’infidelité, ni l’inconſtance ! ce n’eſt pas la bouche d’un Perfide qui me-dit tant de douceurs ! Filles charmantes, votre cœur eſt auſſi pur que vous êtes belles -!

L’heure de ſe-mettre à-table les a-ſeparées ; Tiénnette a-été aider à ma Mère ét à mes Sœurs. Je ſuis-deſcendu : mais mon émotion était ſi-grande, qu’aulieu d’aler auprès de m.me Parangon, j’ai-fait un tour de jardin. Le ſouper a-été-enjoué ; tu t’imagines que je devais y-contribuer. Les ïeus de tous nos Bonnes-gens étaient-fixés ſur la Belle-dame, ét je jouiſſais pour elle de leur admiration. Mes Frères ſe-diſputent l’honneur de lui rendre quelque ſervice ; mes Sœurs ſont-jalouses.