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Famme ſe-porte bién. Cette nouvelle m’a-fait un plaisir infini. Entre nous, mon Papa, je me-propose de n’être infidel que juſqu’à notre reünion : aprés, nous vivrons comme deux Tourtereaus, toujours ſoupirant leur tendreſſe, ét ſatiſfesant leurs desirs. Ainfi tu vois qu’il n’eſt pas neceſſaire de m’embarquer dans l’avanture dont tu me parles : ſi je determinais ma petite Cousine à ſe-rendre furtivement à la Ville, ne pourrait-elle pas être decouverte ? Alors, quel boulevaris dans la Famille ! Non, cela ne ſe-peut pas. D’ailleurs, ma Famme vaut ſon prix ; elle m’aime, ét je l’aime à mon tour, ne fût-ce que par-reconnaiſſance. J’en-fuis pour les vertus morales ; ſans elles, on n’eſt pas digne de vivre, car l’on doit racheter les vices par quelque-chose. Tu penſes ét tu fais-mieus que tu ne dis, mon Papa : tu as en-partie les defauts de tes Camarades : mais cinquante Couvens de Cordeliers n’ont pas autant de veritable attachement, de magnanimité que mon ami Gaudét-D’Arras. Ne ſais-je pas combién tu as d’humanité ? n’es-tu pas le plus-obligeant, le plus-genereus des Hommes ? Tu fais ſecrettement du bién à des Inconnus ! ét tu voudrais que je fiſſe une injuſtice à ma Famme !… Ah ! ſouffre que j’imite auſſi tes vertus, puiſque je prens ſi-volontiérs tes vices ! Aurefſte, peutêtre as-tu un retentum, ét Laure reſterait-elle pour ton compte, afin-de remplir certains projets ?…