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Jeunefille du pays de ma Mère (qui ne m’a-pas-été-indifferente autrefois) invitée comme le reſte de ma Famille, quoique parente éloignée du côté des Bertro, eſt-arrivée fort-tard. Le Marié l’a-reçue, ét m’a-chargé de lui faire les honneurs. Je m’en-ſuis-acquité comme envers une anciénne Inclination. La petite Cousine eſt charmante ; ſa taille eſt ſuelte ; ſes ïeus ſont plus-tendres que vifs ; ſa bouche eſt-petite ét fraiche ; toute ſa figure eſt-riante ét naive : ſa gorge eſt à-demi-ſormée ; ſa jambe eſt la plus-parfaite que j’aye-encore-vue, Elle a ſeize-ans accomplis. Son teint n’a point de roses, mais c’eſt une eſquiſſe charmante, qui ſemble attendre que le plaisir ét l’amour viénnent y-mettre le coloris. C’eſt auſſi mon bon ét fidel Mentor, ce que je tâcherai de faire. Mafoi ! il aurait-été à ſouhaiter pour Telemaq que le ſién t’eut-reſſemblé ! m.lle Eucharis ſ’en-fut-mieus-trouvée, mais non pas Antiope ! Cependant il me faut user ici de bién des precaucions ! tu ſens ce que j’ai à-menager ; mes Parens, mon Frére-aîné, auprès duquel il faut que je me-deguise encore longtemps ; et pardeſſus tout cela, m.me Parangon : c’eſt elle dont je crains le-plûs de perdre l’eſtime. Tout va pourtant aſſés-bién, grâce à l’innocence de ma jeune Conquête, ét aux reſtes d’une antique confiance, autrefois bién-meritée. À ma première, je t’inftruirai plus amplement.

Adieu, mon Papa.