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Le but de mon vrai Père, en-me-fesant ſeculariser, eſt de me-rendre ſon legataire ; mais il a encore d’autres vues. Il fait, à n’en-point douter, que je ſuis ſan fils, ét il desire ardemment que j’en-aye un moi-même. Nous voudrions arranger les choses de-façon, que ce Fils paſſat pour être de mon Père, ét d’une Demoiselle fort-laide, mais très-riche, notre Collaterale la plus-proche, qu’il ſe-propose d’épouser. Or je veus que cet Enfant ſait d’un beau ſang, pour qu’il gâgne plus-aisement l’affection de l’Épouse de mon Père, ét pour ma propre ſatiſfaction. J’aurai-besoin de toi, pour remplir quelquesunes de mes vues : je te dirai cela quelque-jour. Je veus que nous n’ayions qu’un cœur ét qu’une âme, les mêmes fentimens, la même filosofie, les mêmes idées ſur tout ce qui ſert à lier les Hommes entr’eux. C’eſt à quoi je me-propose de travailler. J’ai des inſtruCtions à te donner, des propositions ſingulières à te faire tant pour toi, que pour ta Sœur-Urſule : mais ce n’en-eſt pas ici l’inſtant.

Je te fais toutes mes confidences, parceque mes ſentimens pour toi ſont inebranlables, ét que j’eſpere me conduire de manière que les tiéns y-repondent parfairement : Ce ſont les mauvais Amis qui trouvent des Amis perfides : je repons de la durée de notre liaison, parceque jamais je ne ferai paſſer mon interêt avant le tién. Mais de la diſcretion ! c’eſt la première condition de notre amitié.