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ét quel ſupplice, que celui d’aimer, avec paſſion, ét d’étre-forcée de ſe-livrer à Un-autre !… Non, je ne crais pas qu’il en-ſait de plus-cruel pour une Famme… Ce fut dans ces circonſtances, que la ſituation que je redoutais ſi-fort ſe-decouvrit. J’en-pris-occasion d’interdire les familiarités à mon SeduCeur, ét je cherchai tous les moyéns imaginables pour amener mon Amant à-prendre avec moi ces mêmes familiarités. Je ne pus y-reüſſir[1], ét j’en étais-depitée. Mon Seducteur en-ſouffrit. Voyant qu’il n’avait plus rién à eſperer, que je ne fuſſe-tranquile, il travailla de tout ſon pouvoir à conclure le mariage projeté.

Plûs je voyais mon Amant, ét plûs je lui jurai de l’aimer uniquement. C’eft ce qui m’empêchait de mourir-de-honte de la tromperie que j’alais-lui-faire : Je me-proposais de la reparer ſi-bién, en-le-rendant heureus après notre mariage, que ma faute fût un bonheur pour lui… Hélas ! cet eſpoir ſi-flateur eſt-il-perdu pour-jamais ! ou plutôt…

Elle en-eſt-reſtée-là, chèr Aîné : Tu vois par ce recit, auſſi-ſincère que ſi elle l’avait-fait pour ſon Confeſſeur, qu’il a-été comme impoſſible que cette pauvre Demoiselle ne fût-pas-trompée : c’eſt m.r Parangon qui eſt un miserable tentateur, ét qui repondra un-jour devant Dieu de tout le mal qu’il nous a-causé, à m.lle Manon ét à moi.

  1. Elle l’y-amena cependant, ét le jour même deſtiné à lui pemettre cet Écrit. V. la Note 3 de la 33me lettre.