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de le faire ſervir à ſes deſſeins ſur moi : il était d’ailleurs accoutumé à cette manœuvre. Des que ce Jeunehomme fut-arrivé, il dreſſa une autre batterie ; il me-parla de certains Hommes qui mariaient leurs Maitreſſes à des Jeunesgens bonaſſes, qu’ils avantageaient. Il me-vanta les Gens-de-village, ét le talent qu’ils avaient pour faire leur chemin dans le monde, pour peu qu’ils trouvaſſent Quelqu’un en-état de leur faire-vaincre les premiers obſtacles, Etc.a Il n’eut pas de peine à me-perſuader, dès qu’il m’eut-fait voir Celui ſur lequel il avait-jeté les ïeus. Il me-pria de le ſeconder : jugez avec quel empreſſement je dus le faire !

Tante que je n’eus pour l’Élève de mon Seducteur que le ſimple gout que m’inſpirait ſa beauté, je continuai mon desordre ſans-menagement ; ét avec un panchant reel à l’aimer j’eus la baſſeſſe de regarder en-lui, la Dupe qui devaitſervir à couvrir mon deshonneur. Mais biéntót il prit le ton ét l’air qui nous ſubjuguent ſi-aisement nous-autres Fammes ; ſa figure intereſſante ét noble ſe-para de toutes les grâces, qui ne lui manquaient que faute d’usage ; ét mon goût devint de la tendreſſe. Ce fut alors que la vertu commença de rentrer dans mon cœur avec le veritable amour. Je ne ſouffris plus mon Seducteur qu’avec repugnance, avec degoût, ét biéntôt j’en-eus horreur. Je ne pouvais cependant encore m’en-debarraſſer : que j’étais-punie !