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Quelques ſemaines ſ’écoulèrenet de-façon à me-donner toute la ſecurité poſſible, ſupposé que j’euſſe-eu de la mefiance ; mais je n’en-avais pas ; ét je regardais les avis que ma Cousine m’avait-donnés, avant ſon depart, comme les craintes chimeriques d’une Jeune-famme, qui paſſait dans le monde pour une prude achevée : d’ailleurs, ſon âge, qui n’était que d’une année plus-avancé que le mien, ne m’inſpirait pas beaucoup de deference pour ſes conſeils. Hélas ! j’ignorais alors la difference que met entre des Perſones égales en-apparence, une âme forte, ét le goût de la vertu !

Ce fut environ aubout d’un mois-ét-demi, que m.r Parangon devint plus-aſſidu auprès de moi : ſes diſcours étaient obligeans, ét quelquefois flateurs : il tâcha d’exciter le feu qui couvait dans mon ſein, par des lectures voluptueuses ; il me-fit lire le Tombeau filosofiq, Tanzaï, avec quelques Romans de m.me De-Villedieu, oú l’on voit les Fammes-mariées écouter ét favoriser des Amans : enfin il ſeduisit alafois mon eſprit ét mon cœur, Mais ce n’était pas encore aſſés pour triomfer de ma vertu ét vaincre les prejugés d’une bonne éducation : afin de mieus detruire l’une ét les autres, il me-fit prêter par D’Arras des Livres impies : le premier fut la Pucelle de m.r De-Voltaire, qui ne fesait que de paraître alors. On ne ſaurait donner un poison plus-agreable à-prendre : cet Ouvrage, qui ſans--