Page:Rétif de la Bretone - Le Paysan et la paysane pervertis, vol. 1, 1784.djvu/210

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

C’était le cas où je me-trouvais. Cependant je ne me-previns pour auqu’un d’eux, ét mon cœur flota durant ane année entière.

Ce fut à ce terme fatal pour moi, que ma Cousine épousa m.r Parangon. J’alais souvent la voir ; ét comme ſon Mari eſt Originaire de la Capitale, qu’il a-vu le grandmonde, ét qu’il en-a les manières aisées, je le trouvais plus-agreable que mes Compatriotes. Il ſ’en-aperçut plutôt que moi, ét compta là-deſſus pour accomplir ſes deſſeins. Malheureusement pour moi, un incident ſeconda ſes Vues : ma Cousine fut-obligée d’aler à Paris, ét elle me-proposa de gouverner ſa maison durant ſon abſence. Mon innocence fut la cause de ma presomption ; je ne redoutais pas le danger, parcequ’il m’était-encore-inconnu.

Je remplis donc la place de ma Cousine, Son Mari, ſans être beau, était, comme je l’ai-dit, bién-dangereus, ſurtout pour une Jeuneperſone de mon caractère !… Il avait environ trenteſix-ans : c’eſt l’âge de la maturité : il a de l’eſprit, joint à cet usage-du-monde dont j’ai-parlé, un goût effrené pour les Fammes, ét une morale qui ſ’accorde à-merveilles avec les panchans les plus-criminels. Tel eſt l’Homme entre les mains duquel tombait une Fille ſans experience, aſſés-jolie pour meriter qu’on cherchât à la perdre, ét qui portait au fond de ſon cœur un énnemi ſecret, prêt à livrer la place au premier Aſſaillant.