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dirai, que même avant d’avoir-eu le bonheur de vous voir à la Ville, je n’avais auqu’un goût pour cette manière de faire-l’amour ; elle m’a-toujours-deplu ; ét je ne vous ai-parlé de ça, que pour vous obeir, imaginant que ſi j’ai le bonheur de retourner auprès de vous ; j’aurai des choses bién--plus-agreables à vous dire, qui me-ſeront-inſpirées par votre chère presence. Il faut pourtant que je vous avoue un petit ſecret, dans cette Lettre, qui eſt-ſûre, ét que Perſone ne verra ici, pas même mon Frère-ainé ; car je ne la montrerai qu’à Fanchon-Berthier, qui ſera ma belleſœur. C’eſt que j’ai ici un Amoureus que je ne ſaurais ſentir ! Imaginez-vous un demi-Monſieu’-de-Village, qui n’a des manchettes que pour faire ſortir d’avantage la noirceur de ſes mains brûlées par le ſoleil ; qui dit des, Ce n’eſt pât à moi tant d’honneur ; J’ai-diz à mon Père, ét autres ſemblables ; qui par la groſſeur du corps, reſſemble à ces gros tilleuls qui font devant la porte des églises, ét dont l’envelope eſt auſſi groſſière ; voila mon Amoureus d’avant que je partiſſe ; ét ce qui me-met-encore-plûs-en-colère contre Ça, c’eft qu’on le nomme ici un joli-garſon ; mes Parens eux-mêmes, ét les Paysans l’appellent Monſieu’, uniquement acause qu’il a des manchettes. À mon retour ici, ce Monſieu’ ayant-ouï-dire, que c’était pour y-reſter, il en-a-montré une groſſe joie, qui me le fait encore plûs deteſter. Le Manant ! ſe-rejouir de ce gue je— ne ſerais pas avec vous !