Page:Rétif de la Bretone - Le Paysan et la paysane pervertis, vol. 1, 1784.djvu/199

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

les Grandsgarſons ne ſe-mêlent pas de decider ; ils laiſſent faire les deux Rivaus, en-defendant ſeulement les voies-de-fait. Mais tout-cela eſt-rare : Le plus ſouvent, à-l’entrée de l’hiver, les Garſons ſe-partagent les Filles, ſoit au ſort, ſoit en-choisiſſant, ét Chaqu’un va tout l’hiver à Celle qui eſt-convenue entr’eux. Voila comme les Filles ſont-ici-traitées ; elles n’ont ſeulement pas la ſatiſfaction de recevoir Celui qui leur plairait le mieux, ét ſouvent elles ont le chagrin d’avoir tout l’hiver à-côté d’elles, à la veillée, ou devant la porte, quand il fait clair-de-lune, un gros Pacant qu’elles deteſtent. Il faut à-present vous dire, comme les Filles voient leur Galant, ét ce quelles mettent du leur, en-fesant-l’amour. Les Garſons vont vers la Fille, longtemps avant de parler aux Parens, pour voir ſi elle leur plaira, ét ſi ils lui plairont. Pour cela ils rôdent quelquefois des mois entiers autour de la maison, avant de lui parler, quoiqu’ils le puiſſent. On en-cause dans le pays, ét la Fille apprend que Piarrot ou Jaguot tel rôde autour de la maison pour elle. Un ſoir, par curiosité pure, elle prend un pretexte pour ſortir, comme d’avoir-oublié de fermer le poulailler, l’écurie aux Vaches, ou de leur avoir-donné de la paille pour la nuit, &c.a Les Parens n’en-ſont pas la dupe : Si le Garſon leur conviént, ils ne disent mot, ét la Fille ſort. Si aucontraire, il ne leur agrée pas, la Mère ou le Père ſe-lève, repouſſe la Fille ſur ſa chaise, ou ſur ſa ſelle, en-lui-disant, Tîns-