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Comme vous m’aviez-demandé une-fois, quand j’avais le bonheur d’être avec vous, chés m.me Canon, que j’embraſſe reſpectueusement, ſa manière de faire ici l’amour, il faut, pendant que j’ai le temps, que je vous conte ça, ma chère Madame, quoiqu’on ne me l’ait-guère-fait encore pour mon compte : mais j’ai-vu ça aux Filles du Village, ét quelquefois à mes deux Sœurs-ainées. Pendant le jour, on ne ſe-dit rién ; mais cependant quand on ſe-rencontre, on ſe-regarde avec un rire niais, ét on ſe-dit, — Boujou’, Glaudine, ou Matron ? Bonjou’ don’, Piarrot, ou Toumas, ou Jaquot-, repond la Fille, en-rougiſſant d’un air gauche, ét en-marchant de-travers, unpeu plus-vîte qu’elle ne fesait auparavant. Mais le beau, c’eſt le ſoir. À l’heure où ſortent les Chauveſouris ét les Chahuans, les grands Garſons après leur ſouper, rôdent dans les rues, cherchant les Filles : Je dis les Grands garſons, parcequ’on n’eſt ici grand-garſon qu’à vingt ans paſſés ; ét alors, on eſt-accepté à-payer la maitrise au Maîtregarſon, c’eſt-à-dire le plus-âgé, ou le plus-ancién paſſé-maître des Garſons ; elle eft de vingt-ſous, qu’un Garſon eſt quelquefois un an à amaſſer dans notre pays, tant l’argent y-eſt rare ! Les Grandsgarſons amaſſent plusieurs maitrises, comme trois ou quatre, ét cela ſert à les regaler un dimanche au-ſoir, ét à donner une danſe, au ſon du hautbois. Si un Garſon ſ’immiſſait de rôder avant l’âge de vingt-ans, pour chercher une Maitreſſe le ſoir,