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enfoncer le poignard dans mon cœur. — Vous l’avez-auparavant-plongé dans le mién ! — Ah ! c’en-eſt-trop ?… Edmond, je vous ai-aimé ; je vous aime… — Vous aliez me le prouver ! — Oui, je vais vous le prouver : Je ne pouvais prevoir… Je m’y-pers !… Prenez ce papier ; il ne manque que votre ſignature à la minute qui eſt chés le Notaire. Vous lirez enſuite cet Ecrit ; je devais vous le remettre aujourd’hui-même ; le contenu le prouve, ét que je voulais vous devoir à votre generosité. Edmond, je vous ſuis-fidelle depuis que je vous aime : Et ſi par-malheur auparavant… Mais lisez-.

J’ai-lu, chèr Frère, un acte par lequel la Mère ét la Sœur de Manon me-donnaient tout leur bién. Enſuite j’ai-decacheté le papier que je vais tranſcrire :

Quand tu commenceras à lire cet humiliant aveu, Celle qui le fait, qui mourra-de-douleur, ſi elle ne te peut toucher, embraſſera tes genous, ét cette poſture lui conviént. (Elle y-était, chèr Pierre !… je n’ai-pu l’y-ſouffrir). Elle n’aurait-pas-atendu Juſqu’à ce jour à t’ouvrir ſon cœur, à te rendre maître de tous ſes ſecrets, ſi des conſeils étrangers, ſon inexperience, ét la crainte de te perdre ne l’en-euſſent-empêchée. Oui, chèr Amant, mon ſort eſt entre tes mains ; tu peus me-donner la vie ou la mort, l’infamie ou l’honneur. Je ſuis-perdue ſans toi ; avec toi, Je ſuis-heureuse (ſi l’on peut l’être encore, même dans les bras de Ce-qu’on-aime, avec un cœur que