Page:Rétif de la Bretone - Le Paysan et la paysane pervertis, vol. 1, 1784.djvu/182

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deviénne ma famme ; ét je la desire !… Voila ce qui ſe-paſſait dans mon interieur, lorſqu’elle m’aborda. Je ne lui dis pas un mot : elle m’entraîna dans une chambre particulière. — Vous êtes muet, aujourd’hui, me-dit-elle, en-me-prenant la main : regardez-moi… Je vois de l’inquiétude dans vos ïeus, qu’avez-vous ? qu’as-tu, mon chèr Mari -? Ce qu’elle prononça d’un ton ſi-careſſant, que je n’y-pus-tenir ; mes larmes coulèrent. Oh ! quelles larmes ! je n’en-verſai jamais d’auſſi-amères. Si je ne t’euſſe rién-écrit, que m.me Parangon n’eût-rién-ſu, je me-jetais dans ſes bras, ét je m’écriais, « Manon, je fais tout, ét je pardonne tout », Mais, il ne dependait plus-de moi. — Qu’avez-vous, me-repetait-elle ? mon chèr Edmond ! que vous m’effrayez ! — Ah ! mademoiselle, je ſuis bién-malheureus ! — Comment-donc ! qu’eſt-il-arrivé ! — Mademoiselle, je vous aimais… — Qu’entens-je ! vous ne-m’aimez donc plus ! — Il doit peu vous importer. — À moi, grand Dieu ! peu m’importer ! à moi ! — Mademoiselle, vous ne m’aimez-pas ; nous ne m’avez-jamais-aimé… — Arrêtez… Qui vous l’a-dit, Ingrat ! — Votre conduite : ma perte doit peu vous toucher : vous m’avez-cruellement-trahi !… Mademoiselle, que vous avais-je-fait-, ét quel interêt aviez-vous à accumuler les trahisons, la honte, la turpitude, l’infamie ſur un Infortuné,… ſur vous-même ? — Je vous laiſſe-dire, Monſieur ; je vous laiſſe paciemment