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Urſule : ſa presence m’eſt-neceſſaire, ſes avis me-ſeront-utils, ſa ſociété me-garantira du besoin d’en-chercher, ét nous-nous-ſoutiéndrons mutuellement.

Je me-trouve aſſés-tranquil aujourd’hui, pour te continuer le detail de tout ce que tu ignores au ſujet de m.lle Manon.

Dès que Tiénnette m’eut-quitté, je retournai dans ma chambre, pour y-reflechir ſur ce que j’alais-faire. Après mille resolutions qui ſe-detruisaient les-unes-les-autres, je m’en-tins à laiſſer-agir m.me Parangon. À l’heure d’aler chés m.lle Manon, je m’y-rendis à-l’ordinaire. Je la trouvai plus-tendre, plus-belle, plus-intereſſante que jamais ; en-ce-moment, elle effacait tout ce que j’avais-connu d’aimable. Je baiſſai les ïeus, mon cœur palpita ; je la regrettai… je regrettai quelle ne me-parût plus digne de mon attachement. Je me-dis, On eſt dans une joie vaine, qui tout-à-l’heure va ſ’évanouir comme la fumée !… Manon ! Manon !… Elle excitait au fond de mon cœur des desirs ; ſon indignité ne les empêchait pas de naître ; je ſentis même un aiguillon plus-vif ; je ne ſais de quelle nature était ce mouvement-là ; ſans-doute il n’était pas honnête, car j’en-rougis l’inſtant d’après : je le reſſentis encore, ét la honte le ſuivait auſſitôt. Je crais que c’eſt-là le commencement du crime ; puiſque Je me-disais : :: Elle ne ſera pas ma famme, j’aimerais-mieus-mourir que de ſouffrir qu’elle