Page:Rétif de la Bretone - Le Paysan et la paysane pervertis, vol. 1, 1784.djvu/165

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

tendre Agneau ſous la dent du Loup affamé : je vas partir, comment ferons-nous ? Si je t’enmène, il en-connaîtra le motif : ſi je te laiſſe, je t’expose : je voudrais bién trouver un biais pour ne point marquer de defiance, ét cependant te mettre à-couvert ? Elle reflechit un-moment : — Je crais l’avoir-trouvé (ajouta-t-elle) ; ma Cousíne Manon eſt une Fille ſenſée, quoique fort-jeune, ét qui ſait mener leſtement mon Mari, lorſqu’il l’avise de ſ’émanciper ; je vais l’engajer à tenir ma place durant mon abſence ; vous-ne-vous-quitterez jamais ; ét m.r Parangon n’osera manquer ni à l’Une ni à l’Autre… Je menagerai tout par-là… Oui (pourſuivit-elle), ce parti eſt ſeul le raisonnable ; me voila preſque tranquile. Manon eft unpeu haute ; tu pourras en-avoir quelque-chose à ſouffrir… Je lui dirais bién deux mots à ton occasion ; mais gardons nous-mêmes nos ſecrets ; dans la position où tu es, les bonnes-façons trop-marquées ſeraient-dangereuses, parcequ’elles feraien-faire attention à toi-. Tout ſ’executa comme Madame l’avait-projeté.

» Ma reſpectable Amie partit. Que je la pleurai !… M.lle Manon me-fit pafſablement d’amitiés les premiers jours, ét nous étions inſeparables : mais inſenfiblement, je la vis changer, ét ſe-refraidir ; elle commença de me laiſſer ſeule, contre ſes promeſſes à Madame. Un jour m.r Parangon en-profita pour me renouveler ſes infames pro-