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je ſuis-inſtruite, ét qu’on n’ignore pas combién je m’intereſſe à vous ; on ne demande plus Urſule, parceque ma conduite avec elle, ét notre intimité fait presumer que je ne lui cache rién. Tiénnette, que je fais deguiser, afin qu’elle puiſſe parvenir juſqu’à vous, doit vous detailler le reſte : crayez cette aimable Fille ; elle ne vous revèlera tout ce qu’elle ſait de Manon, que parceque je le lui commande. Mais diſſimulez ; ne deshonorez pas ma Cousine dans l’eſprit de vos Parens ; je veus vous ſauver ; ét non la perdre. Je vous reserve un Parti plus-avantageus, pour un temps plus-convenable à votre établiſſement ; c’eſt une Jeune-perſone que vous aimerez, J’en-ſuis-ſure. Que cet eſpoir vous tranquilise. Je vous aime, vous ét votre Sœur, autant qu’il eſt-poſſible d’aimer. Portez-vous-bién, Edmond. Urſule vous embraſſe. Faites tout ce que Tiénnette vous dira : defiez-vous du p. D’Arras, qui ne ſe-cacherait pas de moi, ſ’il avait des vues draites. J’ai bién des choses à vous dire à ſon ſujet, qui auraient été-deplacées plutôt ; mais qu’il n’eſt plus temps de vous taire.

Mon Frère, tout-à-l’heure quand je ſuis-ſorti ſeul, j’ai-rencontré le même Jeune-homme que j’avais-vu pafſer hièr ; il m’a-remis ce Billet, ét m’a-dit de me-trouver demain de grand-matin à l’Arquebuse. C’eſt Tiénnette deguisée, et je ne l’avais-pas-reconnue !… Adieu. Je t’envoie celle-ci par le Regratier, qui part ſur-le-champ.