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air prude, qui te rend à croquer aux ïeus des Gens-du-monde, mais qui ſubjuguera plus-sûrement encore des Gens-de-campagne. J’ai-donné-ordre qu’on publiât ici les bans, afin que rién ne retardát la celebration, qui ſe-fera pendant le ſejour de ma Junon à Seignelais, Voila ce que j’ai-jugé à-propos de faire. Mais ſi le Diable eſt bién-malin, les Femmes le ſont encore davantage (ſait-dit ſans t’offenſer), tu le ſais par-experience ; ét tes charmans petits tours ſurpaſſent les plus-fins, ſi-bién-racontés par Boccace ét par La-fontaine ; ainſi redoublons de precautions à l’approche du denoûment. Je crains ma Junon…

La Maman eſt toujours furieuse, n’eſt-ce pas ? Ma-foi ! tantpis pour elle ! Cependant c’eſt une bonne famme ; elle ne fait qu’un bruit ſourd, ét elle devore ſes larmes devant le monde. Adieu, Poulette : mais unpeu plûs d’ouverture avec moi : un joli Poliçon n’eſt-pas-fait pour me-chaſſer de ton cœur… Il eſt un autre Homme que je craindrais davantage ; c’eſt Gaudét-D’Arras, qui va biéntôt quitter le cordon : ce rusé Compère a des vues ! je crais qu’il t’en-veut ? il ſe-porte à faire votre mariage avec une chaleur, dont je ſoupçonne unpeu les motifs… Qu’un bién comme toi eſt-envié !… Mais je finis.

P.-ſ. Une Sœur Urſule eſt à la Ville ; tu auras vu ça ſans-doute ? on loue beaucoup ici la figure de cette petite Ourſe ; (paſſe-moi la mauvaise-pointe ſur ſon nom, qui ſignifie precisement cela) : on la dit la mieux des Sœurs, qui toutes ſont fort-bién.