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— Dès que nous avons-été-montées ici, Madame m’a-renouvelé ſes careſſes, ét m’a-temoigné que je lui avais-fait un plaisir infini de venir en-draiture chés elle. — Je vous regarde (a-t-elle ajouté) comme un present que le Ciel m’envoie ; c’eſt moi qui veus ici vous ſervir de Mère ét de Sœur : accordez-moi les fentimens que vous venez de m’inſpirer, ét ce jour ſera un des plus-heureus de ma vie. J’ai le cœur ſenſible ; aimer eſt un besoin pour lui : mais une moitié du Genre humain m’eſt interdite, puiſque je ſuis-mariée ; et mon ſexe ne m’avait-encore-offert que cette Fille… Tiénnette (a-t-elle dit en-ſ’interrompant), aſſeyez-vous auprès de nous… Vous voyez cette Fille ; elle n’eſt pas toutafait ce qu’elle paraît : je l’eſtime ; c’éſt ma compagne, ma conſolation, ma ſeule amie ; faites-en-auſſi la vôtre ; elle le merite. Mais je vous avertis que nous la perdrons biéntôt ; je l’aurais-regrettée ſeule ; nous la regretterons enſemble : mon âme n’aime à ſ’unir qu’à des âmes pures comme les vôtres, Filles aimables… Ma belle Urſule, vous n’irez pas chés Celle avec qui l’on ſe-propose de vous faire-vivre ;… non, vous n’irez pas : … il faut me le promettre. Laiſſez-moi l’arbitre de Votre ſort ; que l’amitié la plus-tendre en-diſpose… Vous êtes-ſurprise ſans-doute, de la chaleur que je montre, avant de vous connaître : je ne m’arrête pas moi-même à en-penetrer la cause ; il me-ſuffit que je la ſens, que je vous aime, ét que je vais vous regar-