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nous restames ſeuls m.lle Manon ét moi. Jamais elle ne m’avait-paru ſi-jolie : ſa parure avait quelque-chose de coquet ét de recherché, qui lui ſéyait à-merveilles ; je ne pouvais la voir ſans admiration ; mais je gardais le ſilence : elle ſe-taisait auſſi, ét nous-nous-considerions tousdeux. Pour la première-fois, j’ai-vu dans ſes ïeus une pudeur timide, ét ſur ſon visage un modeſte embarras. J’étais-penetré : au-fond de mon cœur, je lui disais : — Belle Manon ! ah ! que vous meritez à-present l’hommage que vous paraiſſez n’exiger plus -! Notre filence a-duré fort-longtemps. Elle l’a-rompu la première, ét m’a-dit d’un ton affectueus ét doux : — Vous paraiſſez rêveur, Edmond ? ét moi, je crais enverité que je partage votre rêverie… Vous ſoupirez ! voudriez-vous me-dire quel eſt l’heureus Objet de ce ſoupir !… Vous ne repondez rién ! — Apparemment, mademoiselle,… qu’on ne trouve pas d’expreſſions, quand on ſent trop. — Du ſentiment !… Il eſt-doux, Edmond, d’en-éprouver de tendre ; flateur de le faire-naître ; delicieus pour des Amans… de le ſavourer enſemble Alons, causons ? Que me-direz-vous ? — Mais, ſi je l’osais, c’eſt moi qui devrais vous le demander. — Si je l’osais vous-vous-tenez trop-loin des Gens, Edmond !… (Je me-ſuis-approché ; elle a-ſouri, comme ſi ce n’eut-pas-été cela qu’elle voulait dire). Eh ! pourquoi donc hesiteriez-vous à me-