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la haïr : mais ne laiſſe pas effacer de ta memoire les avis de notre Père, ét ne prens pas toujours exemple ſur ça que tu vois, ét garde-toi de toi-même ; j’ai-entendu dire à Gens ſages ét anciéns, que nous ſommes nos plus-dangereus énnemis. Sais prudent, ét choisis Celle qui t’aſſortira la-mieux, de m.lle Manon, ou de m.lle Edmée ; tu es jeune ; ét beaucoup-trop pour le mariage, vu que tu n’as point encore d’état : mais pourtant ſi l’occasion ſe-presente, ét qu’elle ſait bonne, ça t’aiderait plutôt dans la portraiture, que ça ne te reculerait, acause des moyéns qu’une Femme à-ſon-aise te donnerait. Par-ainſi, ſonge à la conduite, à la famille, au bién ; tout ça eſt important ; ét pourtant le dernier l’eſt lemoins des trois, quoiqu’il le ſait par-beaucoup : Pour à mon égard, je trouve tout-ça dans Fanchon-Berthier, avec la gentilleſſe pardeſſus, quoique tu méparles un-peu de nos Paysanes ; je te ſouhaite une Femme tout-comme elle ; ou pour te montrer mon cœur, je ſouhaite que m.lle Manon te prénne-à-gré : nous connaiſſons ſa famille ; elle eſt honorable, ét il y-a du bién ; tu monteras, aulieu de deſcendre : ét pourtant conſulte encore ; ét dès que tu ſeras-decidé, tu me le manderas, ét je parlerai à nos Père ét Mère ; ét on mettra Urſule auprès de toi. Nous t’embraſſons tous : mais à-l’exception d’Urſule, il n’eſt auqu’un de nos Frères ét Sœurs qui t’aime autant que

P. Rameau.