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LE RÉPERTOIRE NATIONAL.


La main de Raphaël a franchi les obstacles,
Par un miracle a peint le plus grand des miracles.
Le cœur bat, l’œil se baigne, on est ému, saisi :
C’est le Rédempteur seul qu’on pouvait peindre ainsi.

Cette main cependant, oui, cette main perfide,
Détruit comme elle enfante, et devient homicide.
Le sang de Jésus-Christ colore son tableau :
Grand Dieu ! pardonne-moi ; je baisse le rideau.
Loin de nous les horreurs, les crimes, les alarmes :
Ah ! la main ne devrait enfanter que des charmes.
C’est pour notre bonheur, c’est pour notre agrément
Que Dieu nous a donné cet organe éloquent.
Voyez ces doigts de rose : ils agitent l’aiguille
Qui pare la beauté, qui la couvre et l’habille ;
Voyez-les se mouvoir, s’accourcir, s’allonger :
Sous eux naissent la gaze, et le voile léger.
Admirons cet artiste : ô pouvoir mécanique !
L’ouvrage est achevé, le chef-d’œuvre est unique :
Sous le doigt inventeur l’acier se fond, se tord ;
Huygens est satisfait ; la machine est d’accord.
Le ressort le plus fin, la plus petite roue
Tout est en mouvement, tout circule, tout joue.
Le villageois n’attend, pour régler son réveil,
Ni le long cri du coq, ni l’éclat du soleil :
Il est fier de trouver, dans son humble demeure,
Le trésor étonnant qui montre et sonne l’heure.
Contemplez ce prodige : ouvrage merveilleux !
Nous pouvons nous passer des astres radieux ;
Le pilote prudent, penché sur sa boussole,
Court, d’un air assuré, de l’un à l’autre pôle.
Mille remparts flottants prouvent à l’univers
Que la main peut dompter et la terre et les mers.
Écriture, art des arts, né de la main de l’homme,
Tu nous peins les beaux jours de la Grèce et de Rome.
Solon nous a transmis sa sagesse et ses lois,
L’exemple de Titus a formé nos grands rois.
Je vis avec Lycurgue et meurs avec Socrate.
Bientôt je ressuscite ; Utique est ma prison ;
Fidèle à mes serments, j’expire avec Caton.
Écriture ! Oui, par toi je vis dans tous les âges ;
Je hais tous les tyrans, j’admire tous les sages ;