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LE RÉPERTOIRE NATIONAL.

flotter mollement autour d’elle : une longue robe blanche négligemment jetée sur cette fille de la forêt achève d’en faire un type admirable. On croirait voir Diane ou quelqu’autre divinité champêtre. Caroline, car c’est son nom, enfant de l’amour, avait eu pour père un officier français d’un grade supérieur. Sa mère, indienne de la puissante tribu du Castor, était de la nation algonquine. C’est sur les bords de l’Outaouais qu’elle a donné le jour à Caroline.

À sa vue, l’intendant troublé la prie de s’asseoir. Il est frappé de sa beauté, il l’interroge, il la questionne, et lui raconte son aventure. Il finit par lui demander de le conduire, et de le guider hors du bois. La belle créole s’y prête avec grâce, et ce n’est qu’à leur arrivée à la maison de campagne, que l’intendant se fait connaître à son guide, et l’engage à demeurer au château.

Or, à présent, il faut savoir que l’intendant était marié ; mais son épouse ne venait que rarement à la maison de plaisance. Cependant la renommée aux cent bouches ne manqua pas de répandre bientôt le bruit que l’intendant avait une maîtresse et qu’il la gardait à Beaumanoir. Ainsi se nommait le château en question. Ce bruit parvint aux oreilles de l’épouse, et ses visites à la campagne devinrent plus fréquentes. La jalousie est une terrible chose !

L’intendant couchait au rez-de-chaussée, dans une tourelle située au nord-ouest du château ; dans l’étage au-dessus était un cabinet occupé par la belle protégée ; un long corridor conduisait de ce dernier appartement à une grande salle, et à un petit escalier dérobé, qui donnait sur les jardins.

Le 2 Juillet 17…, voici ce qui se passait : c’était le soir, onze heures sonnaient à l’horloge, le plus profond silence régnait d’un bout du château à l’autre, tous les feux étaient éteints ; la lune dardait ses pâles rayons à travers les croisées gothiques ; le sommeil s’était emparé des nombreux habitants de cette demeure, la seule Caroline était éveillée.