Page:Répertoire national ou Recueil de littérature canadienne, compilé par J Huston, vol 1, 1848.djvu/36

Cette page a été validée par deux contributeurs.
28
LE RÉPERTOIRE NATIONAL

laisser éblouir par le clinquant de la jeunesse, et la porter à lui préférer la solidité de l’âge mûr.

m. dolmont. Il est vrai que l’amour et la raison vont assez rarement de compagnie.

le bailli. Je pense comme vous, monsieur ; et la jeunesse doit avoir de grandes obligations à ceux qui la détourne d’un choix dont elle pourrait avoir lieu de se repentir.

m. dolmont. Cela est vrai ; mais à quel propos me faites-vous cette question ?

le bailli. C’est une indiscrétion peut-être, et c’est cependant en partie le motif de ma visite : chargé par quelqu’un de vous faire une proposition qui regarde Colinette, je voulais auparavant essayer de pénétrer les vues que vous avez sur elle, mais la conformité de vos principes et des miens m’enhardit à vous parler plus clairement.

m. dolmont. Qui est-ce qui vous a chargé de cette proposition ?

le bailli. Un garçon d’un certain âge, mais riche et qui l’aime passionnément.

m. dolmont. Quel est son nom ?

le bailli. Il ne m’a pas permis de le nommer qu’en cas que la proposition fût agréée.

m. dolmont. Son amour est bien mystérieux ! au reste, je n’ai rien à répondre à cette proposition, car il n’entre pas dans mon plan de chercher à fixer le choix de Colinette d’après mon goût, mais seulement de la guider dans celui qu’elle pourrait faire.

le bailli. Cependant vous convenez que la raison de l’âge mûr…

m. dolmont. N’est pas toujours fort propre à amuser une jeune femme.

le bailli. Mais convenez du moins que la richesse…

m. dolmont. Ne rend presque jamais heureux deux époux quand ils n’ont d’autre félicité que celle qu’elle procure.

le bailli. Ainsi donc, monsieur, vous ne consentiriez pas aux propositions de cette personne…