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LE RÉPERTOIRE NATIONAL.


1836.

BAZAR DES DAMES CANADIENNES.

L’imagination du poétique char
M’aurait porté cent fois sur ses ailes de flamme,
Et ces rêves dorés auraient bercé mon âme
Aux champs d’illusion où se boit le nectar,
Plus souvent que la brise agite la feuillée,
Que je n’aurais pas pu sur la rive émaillée
        Concevoir leur bazar.

Je n’aurais pas rêvé ces pinceaux enchanteurs
Qui font en se jouant le myrte ou la pensée,
Ni cette aiguille agile, admirable, empressée
Qui donne la nuance aux plus vives couleurs,
Et sert comme un zéphyr la main qui se propose
De ravir au printemps, dans le lis ou la rose,
        La palme pour les fleurs.

Je n’aurais pas prévu l’ensemble éblouissant
De tant d’objets où l’art dérobe à la nature
Ses oiseaux, ses bosquets, ses ombres, sa verdure.
Ses mousses et ses fruits, son azur pâlissant,
Ses nuages, son onde, et puis bien plus encore,
Son horizon lointain, les feux de son aurore
        Et son ciel ravissant.

Puis, quand on a pu voir dans ce brillant concours
Tant de jeunes beautés naïves, caressantes,
Prier avec douceur, puis revenir pressantes,
Puis retrouvant cent fois d’ingénieux détours,
Vous enlacer encor de grâces enfantines,
Comme un ruisseau prend l’herbe en ses eaux argentines,
        On s’en souvient toujours !…

À nos Dames honneur !… leurs efforts précieux
Pour rendre à l’orphelin ses larmes moins amères,
Pour combler de bienfaits ceux qui n’ont plus de mères,
Font naître un sentiment profond, délicieux,
Qu’on ne peut qu’éprouver sur la terre où nous sommes :
Il ne s’exprime pas dans la langue des hommes,
        Mais il se dit aux cieux.

J. E. Turcotte.