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LE RÉPERTOIRE NATIONAL.

des plus soignées. Elle perdit, encore jeune, tous ses parents et fut laissée, avec une fortune considérable, sous la tutelle d’un oncle qui paraissait avoir beaucoup d’amitié pour elle, mais qui dissipa bientôt une partie de ses biens et s’enfuit avec le reste. Cet événement la frappa d’une manière si sensible qu’elle en perdit la raison ; elle la recouvra plus tard ; mais de temps à autre, sa folie la reprend : elle croit retrouver toutes ses richesses dont elle avait joui et qu’elle aurait dû conserver. Son frère lui assura une petite rente, et nous sommes venues dans ce pays où la vie est moins chère. Peut-être avez-vous été témoin d’un de ses accès ; cependant j’eus toujours le soin de cacher cette triste infirmité. J’espère, monsieur, que vous ne l’abandonnerez pas puisque vous avez été assez bon pour en faire votre épouse.

Monsieur Desnotes ne répondit rien : il était abattu.

Le lendemain, il vendit sa maison pour en payer les frais et prit une petite étude où il recommença les contrats, les actes, les testaments. Madame Desnotes, quoique péniblement affectée de penser qu’il avait été dirigé par l’attente d’une fortune, lui pardonna sa colère et se remit à broder. La vieille Marguerite se consolait en lisant les journaux et vantant l’arbitraire.

Les voisines continuèrent à rire, bavarder et à faire de nouvelles conjectures. — Avais-je raison quand je te disais que ce n’était qu’une servante ? — Oh ! pour moi je t’assure, ma chère, que je ne crois pas ça, car elle paraît trop bien éduquée ; mais vois-tu ? ces grandes dames avec leurs pianos, leurs guitares, leurs chansons, leurs jolies manières et leurs colifichets, quelquefois ça ne vaut pas grand’chose. — C’est vrai ; mais moi, j’ai toujours dit que Desnotes l’avait épousée parce qu’il la croyait riche, et j’ai toujours pensé que ça tournerait mal, parce que tous ces mariages d’intérêt ne finissent jamais autrement.

Ici toutes les voisines furent d’accord, ce qui ne leur était jamais arrivé.

N. Aubin.