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LE RÉPERTOIRE NATIONAL.

tomber malade et pensait qu’une épouse le soignerait ; il aimait à être flatté, prévenu, choyé, et il espérait qu’une épouse serait prévenante, le flatterait, le choierait ; enfin pour beaucoup d’autres raisons, parmi lesquelles on doit ranger la curiosité, disposition naturelle à l’homme aussi bien qu’à la femme, monsieur Desnotes se figurait que le mariage ferait son bonheur ; dès-lors, il commença à jeter les yeux autour de lui et chercha quelle serait la personne digne d’embellir ses jours futurs. Comme je n’ai pas encore été marié, je ne donnerai pas mon opinion sur cette nouvelle idée de monsieur Desnotes ; je laisserai à mes lecteurs clairvoyants et à mes aimables lectrices qui ont connu cet état, le soin de la juger, leur recommandant seulement de ne dire leur opinion qu’après y avoir réfléchi pendant dix ou douze ans, ou plutôt de ne la dire jamais, de peur de créer une discussion semblable à la politique… tel que l’entendait monsieur Desnotes.

Monsieur Desnotes était embarrassé, car il se disait : Je suis assez bien seul ; mais, si j’épouse une femme qui n’ait rien, pourrai-je la faire vivre et vivre moi-même dans l’aisance ? Il me faut donc trouver une femme qui m’apporte, pour le moins, autant que je possède. D’un autre côté, si j’épousais une femme riche, m’aimera-t-elle, me flattera-t-elle ? Ah ! tout ceci est fort douteux, fort embarrassant ! Comme on voit, il ne raisonnait pas si mal ; pour un ancien notaire, ce n’est pas étonnant.

Vis-à-vis monsieur Desnotes, vivait une demoiselle, que les personnes qui ne la connaissait pas décoraient du nom de madame. Soit que ce titre lui fût donné à cause de l’air rangé, distingué, posé, qui la faisait remarquer, elle s’en trouvait flattée lorsqu’il sortait de la bouche de jeunes demoiselles, et il lui déplaisait quand un jeune homme le lui adressait ; n’en connaissant pas la raison, je ne puis vous expliquer cette bizarrerie.

Mademoiselle Lesattret paraissait vivre assez bien, mais on ne connaissait pas exactement ses moyens d’existence ;