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LE RÉPERTOIRE NATIONAL.

1835.

LA LUCARNE D’UN VIEUX GARÇON.

Il s’est passé bien des années depuis que j’ai su placer les convenances de ma vie dans un espace qui semble étroit, mais qui doit suffire puisque mon existence s’écoule dans la douceur et dans ma propre satisfaction. Mon bonheur se trouve au milieu de mes livres, dans l’attachement de mon vieux domestique, et les caresses de mon chien fidèle. Cependant, il est un autre sujet de jouissances, et ce ne sont pas les moins vives ni les moins durables : c’est ma lucarne. — Lecteur, qui que tu puisses être, tu vas rire probablement, quand tu sauras que la seule vue que j’aie de ma lucarne est un grenier, habité par la classe la plus misérable, et que depuis quinze ans, j’ai passé une partie de chaque jour à examiner leur existence ; mais avant de condamner ce que tu appelleras ma folie, vois quelle source immense de leçons précieuses l’aspect continuel du malheur doit présenter à celui qui réfléchit, et quel champ à parcourir pour l’être qui fait consister son bonheur à faire du bien. Riches, orgueilleux, dissipateurs, égoïstes, philosophes, avares, venez ! venez à ma lucarne et vous saurez ce qu’est la misère vue de près : bons ! votre cœur se serrera souvent à la vue de vrais infortunés. Pour vous, gens du monde, vous y trouverez des expériences pour vos cœurs blasés ; là, peut-être aurez-vous de plus douces sensations que celles que vous procurent les sociétés où presque tout n’est qu’égoïsme ; là, peut-être, vous ferez naître des émotions nouvelles, celles de la reconnaissance…

Dimanche. — Voilà trois semaines aujourd’hui que je n’ai pu faire ma promenade habituelle, et depuis quinze jours, le grenier, ma grande ressource, est inhabité. J’ai lu l’histoire d’un homme qui adoucissait les douleurs de sa captivité en étudiant les mouvements d’une souris, et qui, durant son