Page:Répertoire national ou Recueil de littérature canadienne, compilé par J Huston, vol 1, 1848.djvu/299

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qui, loin d’apaiser mes souffrances, ne fit que les renouveler par les souvenirs qu’elle me représentait :

« Le calme a succédé au bruit que faisait votre duel. Je puis donc vous adresser quelques lignes sur un lit de souffrances. Rien ne peut désormais redonner le repos à une âme dont la ruine est consommée pour ce monde. Mon ami ! (puis-je encore vous nommer ainsi ?) l’amour violent que je ressentis pour vous, me fit tout risquer pour attirer vos affections. Ma vie tient encore à cet amour qui ne cessera qu’avec elle. — Dites-moi que le vôtre est éteint et je mourrai tranquille ! Votre silence, le secret que vous avez gardé sur tout ceci est une charité dont je suis indigne ; cette bonté ineffable me tue. Cependant, un rayon d’espérance me laisse croire que vous ne me méprisez pas entièrement. Grand Dieu ! si la vie pouvait guérir la plaie que j’ai faite à votre noble cœur, avec quelle joie j’offrirais la mienne ! Mais… hélas ! cette consolation m’est défendue, et l’idée de l’outrage irréparable que je vous ai fait, doit rester comme un regret, un tourment éternel ! Que n’ai-je pas sacrifié ? Tout ce qui est précieux dans ma vie ! Mais aussi que n’ai-je pas essayé d’acquérir ? Votre amour, un bonheur éternel ! Quels sont les moyens que j’ai employés ? Ils sont affreux à croire ! horribles à décrire ! »

« Je pourrais fuir avec vous au bout du monde et vous accompagner comme votre esclave ; mais me pardonneriez-vous ? Si je pouvais croire que vous ne me maudissiez pas, que vous vous puissiez ressouvenir un jour de moi sans me détester, je chérirais encore cette vie qui s’échappe bien rapidement. Dites-moi ce que vous pensez ; accablez-moi des reproches que je mérite ou donnez à l’infortunée Émilie un mot de consolation. De là dépend mon sort ! Adieu ! »

Mon premier mouvement fut de lui montrer toute l’amertume de ma situation, mais mon cœur se refusa aux reproches…