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avait encore conservé tous les traits de sa beauté première ; son esprit était orné de connaissances, légères peut-être, mais qu’elle savait faire briller. Son ton aimable et bienveillant avait fait de sa maison le rendez-vous et l’agrément des jeunes gens comme des personnes âgées.

J’assistais assez fréquemment à ces soirées, où la conversation animée et charmante des femmes, leur goût pour la musique, la danse, la gaité, avaient fait une impression profonde sur mon imagination jeune encore. Je ne tardai pas à secouer la teinture collégiale et l’espèce de sévérité pédantesque que les études ne manquent jamais de produire. Le monde m’apparut brillant, j’y volai sans réfléchir et, d’un coup d’aile, je secouai la poussière académique ; avec elle la simplicité, puis… le bonheur. Mais un incident arriva cependant, qui me replongea dans ma solitude et me convainquit de la nécessité de réfléchir, même au milieu des fêtes et des jouissances.

Parmi les femmes que je rencontrai dans cette société, deux sœurs, particulièrement, se faisaient remarquer par la beauté et la grâce de leurs manières.

Il est des êtres que la nature a doués de charmes incompréhensibles, charmes qui ne consistent pas seulement dans la beauté, mais dans une certaine grâce, une tournure d’esprit, un tout sympathique sur lequel l’âme aime à se reposer ; personne ne peut s’expliquer ce sentiment qui tient de la religion : l’on admire comme supérieur cet être sur qui l’on croit voir un sceau divin, on est subjugué par un pouvoir intérieur, et le réveil est : amour, dévouement !

Les deux sœurs, dont je viens de parler, étaient du nombre de ces êtres favorisés. Elles semblaient formées pour exciter un sentiment d’amour dans tous ceux qui cultivaient leur connaissance ; leur conversation attirait plus encore que leur beauté, autour d’elles se formait un cercle d’admirateurs. Oh ! que leur ambition de femme devait être satisfaite de ces hommages qui tombaient de toutes parts à leurs pieds !

Mais la calomnie, poison qui semble être le produit de