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LE RÉPERTOIRE NATIONAL.

1835.

LA SOMNAMBULE.

ROMANCE.

 
Le jour avait fait place aux ombres de la nuit,
Un silence profond régnait sur la nature ;
Cet éclat ténébreux que la lune produit
Des champs et des vallons argentait la verdure ;
        Sur le sommet d’un précipice affreux
        Je vois paraître une forme angélique,
        Un ton plaintif, des accents douloureux
        Me font entendre un chant mélancolique.

« Tout est beau, tout est grand dans ces endroits chéris,
À goûter le bonheur tout ici nous invite,
Pourquoi retardes-tu, toi pour qui seul je vis ?
Veux-tu donc que je meure ?… hélas ! je le mérite :
        Un pur amour avait uni nos cœurs,
        Tu m’étais cher, je te fus infidèle ;…
        Ô tendre ami, pardonnes mes erreurs,
        Des cœurs constants je serai le modèle. »

« Au bord de ce ruisseau, dans ce bocage frais,
Jadis nous partagions nos plaisirs et nos peines,
Sous ces arbres touffus avec moi tu pleurais,
Tu riais avec moi : tu gisais dans mes chaînes ;
        Combien de fois je t’ai vu me jurer
        Que pour toujours je te serais unie ;
        Tu fuis de moi, tu ne veux plus m’aimer,
        Je suis coupable,… ah ! que je suis punie ! »

« Peut-être en ce moment, plus heureuse que moi,
Une autre dans tes bras jouit de sa conquête
Mais où suis-je ? que vois-je ? est-ce un rêve, est-ce toi ? »
À ces mots je la vois vers moi pencher la tête.
        Un cri perçant frappe soudain les airs,
        Elle frémit, chancelle, tombe, expire.
        Elle dormait : sur ces rochers déserts
        L’avait conduite un amoureux délire.

Pierre Petitclair.[1]
  1. M. Petitclair est né à Québec, et il a résidé alternativement au Labrador, à Québec et dans le district de Gaspé où il réside actuellement.