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LE RÉPERTOIRE NATIONAL.

songea plus dès lors qu’à préparer les moyens de consommer son abominable dessein. Et Léocadie, toujours innocente, toujours calme au milieu de l’orage qui se formait sur sa tête, ne pouvait pas même s’imaginer qu’on pût lui vouloir le moindre mal : tant la haine et la vengeance étaient une chose étrangère à son âme.

En partant l’étranger avait voulu voir Léocadie, et il lui avait dit avec un air de froide ironie :

— Regarde le soleil, comme il est rouge ; il est rouge comme du feu, comme du sang, oui, comme du sang qui doit couler.

Et il l’avait quittée brusquement.

V.

LA VENGEANCE.

Cependant celui qu’elle aimait, celui que son cœur avait choisi parmi tous les autres, s’était approché de Léocadie. Et lui aussi, il lui avait déclaré son amour ; et il était payé du plus tendre retour. Depuis deux lunes ils s’étaient confié leur tendresse mutuelle, et les nœuds sacrés de l’hymen devaient bientôt les unir de liens indissolubles. Deux lunes s’étaient écoulées paisibles, sans qu’ils eussent entendu parler de l’étranger, qui pourtant ne cessait de veiller avec des yeux de vautour sur le moment de saisir sa proie.

Par un beau dimanche, après la messe, Léocadie et son amant partirent ensemble pour aller se promener à la montagne, et jouir du frais sous les arbres au feuillage touffu. Ils cheminaient pensifs. Léocadie s’appuyait languissamment sur le bras de Joseph, (c’était le nom de celui qu’elle aimait) ; et tous les deux, les yeux attachés l’un sur l’autre, ils gardaient un silence profond, mais qui en disait plus que les discours les plus passionnés ; tant le langage du cœur a d’expression pour deux âmes pures qui sympathisent et s’entendent. Oh ! comme le cœur de Léocadie battait rapide sous le bras de Joseph qui la soutenait avec délices, avec transport. Oh ! comme il était heureux, Joseph, quand