Page:Répertoire national ou Recueil de littérature canadienne, compilé par J Huston, vol 1, 1848.djvu/279

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
271
LE RÉPERTOIRE NATIONAL.

lendemain, il la revit simple et modeste au milieu de ses compagnes ; et il conçut pour elle un amour fort et violent comme la passion qui l’avait fait naître.

Dix-sept ans, une figure douce et spirituelle, des manières agréables, une assez jolie fortune, avait fait de Léocadie la personne la plus intéressante et le meilleur parti de la Côte des Neiges, où elle demeurait avec sa vieille tante. Oh ! Léocadie, pourquoi l’as-tu connu ce jeune homme ?… Tous les jours il se rendait chez la tante de Léocadie, et de plus en plus il attisait dans son sein ce feu dévorant, qui, comme un volcan embrasé, devait un jour éclater terrible pour eux deux.

Il y avait déjà près de trois mois que l’étranger fréquentait Léocadie, il lui avait fait un aveu de sa flamme, de la passion qu’il ressentait pour elle. Et Léocadie était trop bonne et trop sensible ; elle savait qu’elle lui ferait de la peine en lui disant de ne plus revenir ; et elle n’osait lui dire « qu’elle ne pourrait jamais l’aimer ; que son cœur à elle, ne lui appartenait plus, qu’il était pour un autre »… Ah ! que ne l’a-t-elle dit dès les premiers jours ; que ne l’a-t-elle renvoyé aussitôt qu’elle l’eut connu : et qu’elle eût épargné de pleurs et de remords !… Avec son amour, une jalousie avait germé épouvantable dans le cœur de l’étranger. Il ne pouvait souffrir que quelqu’un parlât à Léocadie. Sans cesse obsédée de ses importunités, elle déclara un soir à sa tante qu’elle ne voulait plus le voir, et la pria de le lui dire. Oh ! comme il en avait coûté à son cœur de faire cette réception à l’étranger. Si elle n’eût consulté qu’elle seule, peut-être ne l’eût-elle pas fait. Mais son devoir l’y obligeait ; c’est à ce devoir qu’elle obéit.

Dès que l’étranger eût appris de la tante de Léocadie que c’en était fait de ses espérances, qu’il ne la reverrait plus jamais ; dès ce moment il jura dans son cœur, dans son cœur d’enfer, de se venger de celle qu’il avait tant aimée, mais qu’en ce moment il sacrifiait à sa fureur et à sa jalousie. Il avait juré de tirer une vengeance épouvantable, et il ne